GROUPE SPELEOLOGIQUE DE CARPENTRAS

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Evelyne Cregut, paléontologue et spéléologue.

 

Evelyne CREGUT

Evelyne Cregut est à la fois paléontologue et spéléologue. Cette double casquette lui a permis d’étudier les traces laissées par l’ours brun ou le cheval sauvage de Solutré dans les milieux souterrains du Ventoux.

En quoi consiste votre métier ?

Je suis paléontologue et j’ai la spécificité d’être aussi spéléologue. Je suis conservatrice du musée d’histoire naturelle d’Avignon, le musée Requien, où je m’occupe plus particulièrement de la section paléontologie. La paléontologie est une science qui s’occupe des restes fossilisés des formes vivantes, qu’il s’agisse de végétaux (paléontologie végétale) ou d’animaux (paléontologie animale). Leur étude permet de dater les gisements et participe ainsi à ce que l’on appelle la bio-chronologie : c’est-à-dire la chronologie à partir du vivant. Les grands mammifères contemporains du quaternaire sont ma spécialité. Je travaille sur des périodes qui s’échelonnent de moins deux millions d’années jusqu’à aujourd’hui. A travers la paléontologie, je suis venue à la spéléologie avec le groupe spéléologique de Carpentras pour aller plus loin dans mes recherches, car il y a très peu de paléontologues en France qui s’intéressent comme moi aux milieux profonds.

Sur quels sites avez-vous centré vos recherches ?

En 1995, des membres du groupe spéléologique de Carpentras ont trouvé sur le flanc nord du Mont Ventoux des cavités inédites : des avens pièges. Il s’agit de petits puits au fond de galeries qui ont joué le rôle de pièges naturels. Pendant près d’une dizaine d’années j’ai travaillé sur ces sites pour étudier l’ours brun. Nous avons retrouvé des ossements de jeunes ours qui se sont aventurés dans ces galeries et y sont tombés mais aussi des ossements de femelles ours qui ont tenté de sauver leurs petits.

Quand et pourquoi l’ours brun a-t-il disparu du Ventoux ?

Les individus les plus anciens trouvés au Ventoux datent de moins 6000 ans avant JC, à la période du Néolithique, et les plus récents datent du Moyen Âge, à environ plus 900 après JC. a cause de leur disparition est assez complexe : elle est due tout d’abord à la chasse, que ce soit la chasse de prestige (les chasseurs récu- péraient les canines pour faire des colliers ainsi que la fourrure), la chasse de consommation (plus rare) ou la chasse pour protéger les élevages. Puis, à partir du Néolithique, les déforestations successives ont resserré l’habitat naturel de l’ours comme une peau de chagrin et les populations se sont réduites elles aussi. Les dernières observations d’ours brun dans les Alpes ont été faites dans le Vercors en 1937 et aujourd’hui l’ours brun en France n’existe plus que dans les Pyrénées.

Avez-vous fait d’autres découvertes intéressantes ?

Après avoir travaillé dix ans sur le flanc Nord du Ventoux, je me suis intéressée à la zone des plateaux que l’on trouve autour de Sault, où les avens s’ouvrent à même le sol. Avec le groupe spéléologique de Carpentras nous avons trouvé des ossements anciens sur quatre sites : dans l’un d’entre eux entre autres restes un squelette entier de cerf datant de moins 9000 ans avant JC, mais aussi dans un autre aven du bouquetin, du chamois, et toute une faune très diversifiée comme la chouette laponne ou le lemming à collier, qui sont des animaux qui vivent aujourd’hui dans le nord de l’Europe. Notre découverte la plus importante a été deux crânes entiers de chevaux de Solutré, qui sont les seuls et uniques datant de moins 20000 ans avant JC trouvés en France.

Comment expliquez-vous la présence sur le territoire du Ventoux d’ossements provenant d’espèces vivant dans le Nord de l’Europe ?

Le milieu évolue, le climat aussi. Les varia- tions climatiques sont des phénomènes répétitifs à l’échelle des temps quaternaires, avec des périodes très froides qu’on appelle les périodes glaciaires, et des périodes moins froides qu’on appelle les périodes intergla- ciaires. Cela a eu un impact sur la faune qui en fonction du climat a migré du Nord vers le Sud et inversement.

Puisque les changements climatiques ont toujours existé, qu’est-ce qui fait la différence avec celui que nous vivons aujourd’hui pour la faune ?

Que le réchauffement climatique actuel soit d’origine naturelle ou qu’il soit dû à l’activité humaine, il faut bien comprendre que, depuis 10 000 ans, l’homme a complètement transformé le milieu : il a construit des routes, des autoroutes, des barrages, des villes qui interdisent le phénomène de migration naturelle des espèces qui se met en place quand il y a des interventions climatiques. Vous imaginez qu’à l’époque du quaternaire, il y avait des hippopotames dans la Seine ! Aujourd’hui, la migration animale est en danger car elle est menacée par l’activité humaine.

Info : http://www.carpentras.fr/decouvrir-carpentras/portraits/evelyne-cregut-1540.html

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